En Multistrada, de Barcelone aux Pyrénées enneigées.

Au début de la saison, alors que l'hiver sans moto laisse beaucoup de temps pour réfléchir et réveille en même temps des envies, nous nous posons une question philosophique. Parmi toutes les balades que Schaaf et moi avons déjà parcourues, il y a d'innombrables moments légendaires et anecdotes qu'on ressort souvent. Mais ce sont toujours des situations et des événements très différents qui deviennent immortels. Alors, qu'est-ce qu'il faut pour rendre une randonnée à moto inoubliable? Pendant notre évasion hivernale en Espagne en mars 2025, nous voyons une opportunité, la saisissons, rassemblons nos affaires et entamons notre première grande virée de l'année pour répondre à cette question précise. De Barcelone, nous allons monter jusqu'aux Pyrénées, accompagnés de deux motos de tourisme - la Ducati Multistrada V2 S et la Multistrada V4 S. Les conditions? Limite. Le plan? Flou. L'itinéraire : environ 300 kilomètres, de l'asphalte baigné de soleil aux routes de cols enneigées juste en dessous des 2000 mètres. Notre motivation va au-delà de la cylindrée : nous voulons savoir pourquoi nous faisons ce que nous faisons - et ce qui rend un road trip à moto vraiment parfait. L'itinéraire nous emmène à travers des lieux culturellement significatifs, sur des routes secrètes pour s'amuser et près de sites historiques. Les Multistrada, équipées des technologies de tourisme les plus modernes, sont nos fidèles compagnons. Le résultat n'est pas un test classique, mais une expérience qui met à l'épreuve pilotes et machines.

Pour ceux qui souhaitent suivre l'itinéraire décrit dans ce rapport, voici le lien Calimoto.

Il est tôt le matin, quand nous mettons nos casques avec un peu de fatigue et quittons Barcelone en direction du nord. Le soleil se cache encore derrière de gros nuages, mais la tension est déjà palpable - notamment parce que notre premier arrêt se fait sur un sol chargé d'histoire. La "Carretera de la Rabassada", aujourd'hui connue sous le nom de BP-1417, fut autrefois l'une des plus importantes routes de course de côte en Espagne. Entre les années 1920 et le début des années 80, des duels sauvages se déroulaient ici sur deux et quatre roues. À l'époque, jusqu'à 40 000 spectateurs se rassemblaient le long des virages serrés - ce matin, nous partageons la route uniquement avec un peu de trafic de banlieue et quelques cyclistes.

Mais même avec la fin officielle des courses en 1983, l'attrait de la Rabassada n'a nullement disparu. Au contraire, la scène locale des motards a continué d'utiliser la route comme une piste de course non officielle. Le résultat fut une statistique troublante - au début des années 2000, la BP-1417 était considérée comme la route la plus dangereuse de Catalogne, avec un taux extrêmement élevé d'accidents graves de moto. Les autorités ont réagi : des séparateurs en béton, des radars, de nouveaux panneaux de signalisation et des limitations de vitesse contrôlent aujourd'hui le flot libre des machines. Néanmoins, quiconque emprunte cette route ressent encore l'esprit du passé. Et peut-être est-ce exactement ce mélange de témérité et d'histoire, de liberté et de réglementation, qui constitue le point de départ idéal pour notre tour.

À peine avons-nous quitté la BP-1417 historique que nous laissons également derrière nous le rythme effréné de Barcelone. La route nous mène droit vers le Parc del Garraf - un haut plateau accidenté au sud-ouest de la métropole, qui, dans son immensité silencieuse, apparaît presque surréaliste. Là où le trafic urbain, le béton dense et le panorama de chantiers dominaient encore récemment, règne maintenant une tranquillité contemplative. Des falaises calcaires, une végétation méditerranéenne et des routes secondaires sinueuses forment ici une sorte de bienvenue à tous ceux qui perçoivent la moto comme une expérience de nature apaisante. C'est précisément ici que se manifeste l'une des grandes forces des Ducati Multistrada : leur confort souverain sur longue distance. Même sur un asphalte de moins bonne qualité, la suspension semi-active reste soyeuse, l'ergonomie est immédiatement adaptée - et la protection électronique contre le vent assure une protection solide contre l'air frais de mars. Sans hâte, mais sans ennui non plus, nous glissons à travers le plateau - le départ parfait pour une longue journée de tournée.

Mais l'ambiance méditative ne dure pas longtemps. Un regard attentif sur le GPS suscite des doutes : l'itinéraire nous mène, selon le plan numérique, dans la mauvaise direction. Un cas classique de "logique espagnole" - ce qui devrait aller vers le nord-est se dirige soudainement vers le sud-ouest. La tentative de reprendre le bon chemin par nos propres moyens se termine par une véritable étape de gravier, quelque part entre des fermes en ruine et des chemins envahis par la végétation. Et c'est précisément ici que se produit quelque chose de spécial : au lieu de pester, un sentiment rare chez nous monte - la liberté véritable. Aucun panneau n'interdit de continuer, aucune clôture ne bloque la curiosité. Dans nos pays germanophones, une telle divergence de la norme serait généralement non seulement indésirable, mais illégale. Ici cependant, on dit : "Essaie juste."

Les Multistrada tirent très bien leur épingle du jeu. Bien qu'elles ne soient pas des enduros pure et dure, avec leurs modes de conduite Enduro, leurs suspensions puissantes et leur ergonomie polyvalente typique des travel enduros, elles ne se sentent pas du tout hors de leur élément sur le terrain meuble. Ainsi, nous filons à travers l'arrière-pays catalan avec parfois bien plus de 100 ch et 230 kg d'une manière ludique. C'est un petit détour, mais aussi une grande aventure. Une aventure que personne n'avait planifiée, mais que personne ne voudrait manquer. Peut-être sont-ce ces excursions imprévues qui font l'essence des tours inoubliables ?

Dès que le compas de navigation est recalibré, une nouvelle découverte nous attend : Olesa de Bonesvalls. Ce nom pourrait être peu connu en dehors de la Catalogne - mais une fois que vous avez parcouru la BV-2411, qui traverse ce village, vous ne l'oubliez jamais. La route est à deux voies, extrêmement sinueuse et traverse le paysage vallonné à l'ouest de Barcelone avec l'élégance d'une spéciale de rallye. Qualité de l'asphalte ? Inégalée ! Car c'est ici - nous disent les motards locaux - que l'UE a testé un mélange d'asphalte expérimental. De plus, les courbes en S inclinées permettent des angles d'inclinaison encore plus élevés et une vitesse en virage accrue. Ce qui subsiste, c'est le pur plaisir de conduire, et ainsi le terrain de jeu parfait pour tous ceux qui aiment les virages.

Et les deux Multistrada ? Elles se transforment du tourer cultivé en machine de sport précise - un changement de rôle qu'elles effectuent avec une aisance étonnante, principalement grâce aux suspensions électroniques adaptatives. La V4 S montre comment les 170 ch peuvent être contrôlés avec finesse lorsque l'électronique, la suspension et l'ergonomie sont à un niveau rarement atteint par les tourers. La V2 S, quant à elle, excelle par une agilité extrême et une légèreté dans les virages serrés que l'on ne soupçonnerait pas d'une moto de tourisme pleinement développée.

Ici, nos cœurs de motards battent plus vite et de larges sourires s'étirent entre nos oreilles. Bien sûr, notre frénésie des virages ne passe pas inaperçue. "Tu veux encore juste taper dedans", entend-on au départ sur l'intercom Cardo - et peu après : "Quel rêve !". Ce jeu d'adrénaline, de taquineries et de véritable enthousiasme nous pousse à avancer. Des piques du genre "Tu roulais presque comme un tourer" ou "Qui a vraiment 170 ch ici ?" font partie de notre routine et servent de soupape émotionnelle, exprimant tellement plus entre deux amis que n'importe quelle analyse froide de la dynamique de conduite. La vérité se trouve quelque part entre le plaisir de la performance et le vertige des paysages. Et c'est exactement là, sur la BV-2411, que le cœur de cette aventure bat particulièrement fort.

Après l'intermède plein d'adrénaline sur la BV-2411, nous continuons vers le nord-est. Le paysage devient plus abrupt, les virages se resserrent, la végétation se densifie. Nous nous approchons du parc naturel de Sant Llorenç de Munt, où la météo nous réserve un avant-goût de ce qui nous attend plus tard. Le soleil ne perce que rarement à travers les nuages désormais bas, les températures chutent sensiblement. L'asphalte est par endroits humide, le vent souffle plus froid sur les cols, mais cela ne nous empêche pas de savourer pleinement le moment. Dans ce cadre, on comprend vite : la météo n'est pas un élément secondaire lors d'un voyage à moto - c'est le passager invisible qui façonne l'expérience. Entre les impressionnantes falaises rouges en grès du parc, qui rappellent les paysages connus de l'Utah ou de l'Arizona, nous faisons une pause pour ajuster notre équipement à l'humidité.

Heureusement, nous avons fait le bon choix en matière d'habillement. La combinaison de la veste FOX Ranger GORE-TEX ADV et du pantalon s'avère non seulement un bouclier solide contre les aléas climatiques, mais aussi une solution de touring bien pensée pour les vrais aventuriers. La veste, avec son laminé 2 couches GORE-TEX imperméable, reste hermétique sans donner l'impression d'être dans un caisson. Les ouvertures de ventilation apportent un confort climatique, la protection D3O assure une tranquillité intérieure, et la construction modulaire avec un système de jonction universelle au pantalon rend l'ensemble extrêmement flexible. Le pantalon mise sur un laminé GORE-TEX 3 couches encore plus robuste, complété par un siège en Cordura® double couche. Même lorsque les températures frôlent le point de congélation, nous restons au chaud, au sec et libre de nos mouvements - sans avoir l'impression d'être dans une combinaison spatiale.

Les bottes Fox Defend ADV se présentent tout aussi bien. Elles allient design de chaussure de randonnée et savoir-faire Enduro : leur matériau extérieur en GORE-TEX respirant et étanche assure des pieds secs lors des passages dans les flaques, tandis que la mousse D3O sur la languette et la zone des chevilles offre une protection. Particulièrement agréable : le réglage BOA® qui permet un ajustement rapide avec une molette et maintient la botte bien ajustée au pied. Ainsi, la botte réalise un pont impressionnant entre l'utilisation à moto et les expériences en dehors de la selle. Légère, elle ne pend pas lourdement au pied, mais encourage à se balader lors des arrêts aux ruines, monastères ou points de vue.

Au bout de quelques heures en selle, on ressent étroitement le lien entre effort physique, air frais et ventre creux. Ainsi, notre prochain arrêt ne se trouve pas au sommet d'un col, mais devant un petit restaurant discret dans un village catalan. Faire de la moto, ce n'est pas juste accélérer et prendre des virages. C'est aussi se délecter, arriver en toute conscience à des endroits où l'on ne se rendrait jamais en voiture. Et c'est la chance de découvrir la culture locale sous toutes ses formes.

Le choix dans cette région rurale peut sembler limité à première vue, mais la profondeur culinaire surprend. Des croquettas, croustillantes à l'extérieur et fondantes à l'intérieur, ouvrent le bal espagnol classique. Vient ensuite un Trinxat savoureux - une sorte de galette à base de pommes de terre et de chou, ancrée particulièrement dans les Pyrénées et servie avec un peu de lard. Comme plat principal, presque obligatoire en Espagne, une paella excellente est servie. Et pour couronner le tout, la Crema Catalana - caramélisée, chaude, sucrée - le dessert traditionnel catalan.

Lorsqu'on descend de moto, qu'on s'arrête et qu'on commence à percevoir la région avec tous ses sens, cela ne remplit pas seulement l'estomac, mais aussi apporte une satisfaction - et démontre que lever les yeux au-delà du bord du casque en vaut toujours la peine.

Entre l'ivresse des virages et l'euphorie des tapas, il y a ce moment au bord du chemin qui ralentit le rythme et élargit l'horizon : devant nous, les ruines imposantes du Monastir de Sant Salvador de la Vedella - un monastère à moitié submergé et ancré dans le rocher. Ce qui ressemble à première vue à un site abandonné photogénique raconte, en y regardant de plus près, une histoire qui remonte au début du IXe siècle. À l'époque de la Reconquista, les Francs - précurseurs de la France actuelle - établirent dans cette région la Marche d'Espagne : une zone tampon contre les territoires musulmans du sud de la péninsule ibérique.

Entre l'euphorie des virages et celle des tapas, on trouve ce moment en bord de route qui ralentit le rythme et élargit l'horizon : devant nous se dresse l'imposante ruine du Monastir de Sant Salvador de la Vedella - un monastère à moitié submergé dans l'eau, à moitié ancré dans le rocher. Ce qui semble être un lieu abandonné photogénique raconte, si l'on regarde de plus près, une histoire remontant au début du IXe siècle. À cette époque, lors de la Reconquista, les Francs - précurseurs de la France moderne - érigèrent dans cette région la Marca Hispanica, une zone tampon contre les territoires sous domination musulmane du sud de la péninsule ibérique.

Le ciel pèse lourd sur les montagnes alors que nous approchons de la dernière étape de notre voyage. Objectif : le Col de la Creueta, un col à près de 1 900 mètres d'altitude, connu pour offrir un panorama impressionnant. Ce que nous vivons cependant n'a rien à voir avec une vue classique "Scenic View" - il s'agit plutôt d'une lutte contre les éléments, devenant le point culminant émotionnel de notre tour. Les derniers rayons de soleil disparaissent derrière des nuages épais, la température chute drastiquement, et puis la neige commence à tomber. D'abord timidement, puis en gros flocons mouillés, qui se posent sur la visière, la selle et l'asphalte.

La route devient un test, chaque virage un défi. Nos Multistrada s'en sortent mieux que leurs pilotes dans ce décor inhospitalier. Le contrôle de traction, l'ABS en courbe et la réactivité finement dosée du mode "Urban" passent d'options à sauveurs. Surtout dans les virages serrés recouverts de neige fondante et sous une mauvaise visibilité, c'est l'électronique qui apporte calme et confort à la conduite. Aucun de nous ne voudrait se passer des poignées chauffantes maintenant. Sur la Multistrada V4 S, même la selle chauffante est activée. Nous grimpons prudemment, peut-être un peu maladroitement, les lacets gelés du col, mais nous sommes bien protégés et loin du froid extrême. Nous pouvons ainsi concentrer pleinement nos sens sur cette situation exceptionnelle et l'aventure qui nous attend.

C'est un moment entre folie et miracle. L'un de ces passages dont on dit plus tard : "Inoubliable, mais une fois, ça suffit." Et en même temps, c'est précisément cet imprévu qui fait qu'un tour devient légendaire. Le coucher de soleil parfait supposé n'arrive pas, mais à la place, la route des Pyrénées nous offre un final dramatique qui capture l'intensité du voyage à deux roues. Douleur, froid, fatigue, émerveillement, joie - mais aussi fierté. Les Multistrada ont livré. Et nous aussi.

À la fin de la journée - et cette journée a été longue - nous nous retrouvons là où nous voulions être ce matin. Mais cette fois, nous avons atteint notre objectif non seulement sur le plan de la conduite ou géographiquement, mais aussi mentalement. Qu'est-ce qui rend une randonnée à moto vraiment inoubliable ? Ce n'est pas seulement le swing parfait dans les virages, ni la vue du col ou le repas quelque part dans nulle part. C'est la somme des contradictions : soleil et neige, adrénaline et immobilité, confort et expérience de limite. Ce sont les décisions spontanées, les détours imprévus, les anecdotes qui ne figurent dans aucun guide routier.

Une bonne balade te donne des réponses. Une grande balade pose des questions. Et c'est exactement ce qui nous est arrivé ici. Nous avons été mis au défi - par la météo, par la navigation, par nous-mêmes. Et c'est pour cela que ce voyage restera gravé dans notre mémoire. La technologie des Ducati Multistrada n'était pas seulement un moyen de transport, mais un outil de liberté. Leur polyvalence, leurs anges gardiens électroniques, mais aussi leur comportement de conduite ludique ont permis que nous puissions nous concentrer pleinement sur l'essentiel : la vie en déplacement. Sans filtre, sans embellissement, mais authentique.

Lorsque vous voyagez à moto, vous ne vous déplacez pas simplement de A à B - vous traversez un espace intermédiaire où tout peut arriver. Et si, à la fin, ce n'était pas seulement la destination, mais le trajet lui-même qui vous a transformé - alors c'était un tour inoubliable.