Essai de la Triumph Speed Triple 1200 RX

Il existe ces moments où une moto est bien plus qu'un simple véhicule, elle devient la manifestation d'une idée. Tandis que le soleil matinal projette ses rayons réchauffants sur l'asphalte de l'Autódromo Internacional do Algarve, je me tiens devant une machine qui incarne précisément cela : la nouvelle Triumph Speed Triple 1200 RX. Limitée à 1200 exemplaires dans le monde entier. Une moto qui brouille les frontières entre le monde des roadsters épurés et celui des superbikes.

Dès le premier regard, l'intention est claire : en Performance Yellow éclatant, avec des accents en carbone sur le garde-boue et le carénage latéral, et les logos RX marquants, ce deux-roues avec ses demi-guidons abaissés affiche ses ambitions. Il ne veut pas être simplement un roadster de plus. Il aspire à bien plus. Les demi-guidons se trouvent exactement à 69 mm plus bas et 52 mm plus en avant que sur la Speed Triple 1200 RS. Les repose-pieds ont été relevés de 14,5 mm et déplacés de 25,5 mm vers l'arrière. Un message explicite : il s'agit ici de conduite sportive et concentrée. De contrôle précis. De se concentrer sur l'essentiel. Alors que j'entame mon premier tour sur la piste encore légèrement humide de Portimão, il devient immédiatement évident que cette Speed Triple X est véritablement une moto hybride fascinante. Un croisement qui cherche à combiner le meilleur des deux mondes. Et un premier coup d'œil au compteur après le dernier virage vers la ligne droite révèle déjà : dès le premier tour, je suis 8 km/h plus rapide qu'auparavant avec la Speed Triple 1200 RS – malgré quelques taches humides sur le bitume. Et une longue journée m'attend encore !

La suspension électronique Öhlins de troisième génération est au cœur de l'expérience de conduite. Au fur et à mesure que les tours s'accumulent sur le parcours exigeant de Portimão, la profondeur des options de réglage se dévoile. « C'est fascinant de pouvoir configurer son setup sans faire de compromis », me dis-je, alors que j'ajuste délibérément l'amortissement de la fourche dans la zone de freinage à l'entrée des virages, pour un meilleur maniement et un accès plus facile à l'intérieur de la trajectoire.

Le système calcule 100 fois par seconde le réglage optimal de l'amortissement en se basant sur divers paramètres : vitesse, angle d'inclinaison, position de la manette des gaz, pression de freinage. L'astuce : chaque condition de conduite peut être optimisée séparément. Dans les passages rapides avec de hautes vitesses de roulage, j'augmente la stabilité de deux crans sous le menu « Cornering Support » — et la suspension se tranquillise sensiblement sans perdre en agilité.

L'amortisseur de direction électronique Öhlins SD EC est bien plus qu'un simple accessoire. Il est une partie intégrante du réglage de la suspension, parfaitement intégré au système Smart EC3. Son design à pression élimine tout jeu et assure une sensation de direction précise sans influences perturbatrices. Dans les virages serrés, il offre une liberté dans la gestion de l'avant, tandis qu'en passages sur la roue arrière, il donne l'impression d'avoir sous soi une superbike dure comme le roc et stable. La suspension électronique est fondamentalement identique à celle du système de la « RS ». Cependant, l'amortisseur de direction semi-actif est réservé à la « RX ».

La position de conduite révèle le compromis que Triumph a tenté ici : assez sportive pour le circuit, mais tout juste assez confortable pour de longues balades. Malgré une orientation plus axée sur la sportivité, un Européen de corpulence standard y trouve suffisamment d'espace. La position plus orientée vers la roue avant force à adopter une posture plus dynamique, tout en préservant la liberté de mouvement.

Dans les courbes rapides, la nouvelle géométrie se montre sous son meilleur jour. La moto semble plus stable et mieux contrôlée. La nouvelle selle, recouverte d'un matériau semblable à l'Alcantara et arborant un logo RX embossé, offre une adhérence supplémentaire – un détail particulièrement apprécié en conduite sportive.

Cependant, cette stabilité accrue a un prix : dans les virages serrés, la RX semble un peu plus lourde que l’incroyable maniabilité de la Speed Triple RS. Le guidon plus étroit offre moins de levier que la large barre de la Speed Triple RS. Avec celle-ci, on entre dans le virage avec des impulsions vraiment ludiques. Ce côté vif et joueur s'atténue quelque peu sur la RX dans certains passages. Mais soyons clairs : la RX est la moto la plus rapide ! La stabilité surpasse l'agilité – c'est la conclusion à laquelle je suis arrivé après seulement quelques tours de piste.

Le moteur trois cylindres de 1160 cm³ reste le cœur de la machine. Avec 183 ch à 10 750 tr/min et 128 Nm à 8 750 tr/min, cette moto de seulement 199 kg est propulsée en avant avec vigueur. Le trois cylindres à refroidissement liquide, doté de ses douze soupapes et d'un rapport de compression de 13,2:1, fonctionne harmonieusement avec la boîte de vitesses à six rapports et un excellent shifter.

Cependant, à vitesse maximale, un inconvénient des naked bikes se dévoile : à 250 km/h, le confort en selle devient brutal. Même une position de conduite penchée vers l'avant ne peut atténuer cela. Le masque de phare et le petit saute-vent n'offrent que peu de protection aérodynamique pour le pilote – un compromis qu'il faut probablement accepter avec ce concept. La Speed Triple, même en version RX, reste un vrai naked bike. Elle est élégante et belle, sans éléments aérodynamiques superflus. Ce look s'intègre harmonieusement dans le concept global. Elle n'est pas une superbike dépouillée mais un vrai naked bike qui roule de manière très sportive. Et cela se ressent aussi clairement en selle sur la RX – cette moto a toujours été conçue comme un naked bike. C'est ce qui la distingue nettement des autres power naked bikes.

L'échappement Akrapovič de série avec son corps en titane n'est pas seulement un régal visuel, il permet aussi d'économiser 700 grammes par rapport à la version standard. Les accents en carbone sur le garde-boue et le carénage latéral soulignent le caractère sportif, tandis que l'écran couleur TFT de 5 pouces affiche clairement toutes les informations essentielles, avec une lisibilité toujours au rendez-vous.

Les aides électroniques à la conduite – du contrôle anti-wheeling à l'ABS en courbe et au contrôle de traction – fonctionnent en arrière-plan à un niveau élevé, offrant un filet de sécurité dense. Au niveau de l'électronique, les RX et RS utilisent un système identique, avec une exception : le RX intègre également l'amortisseur de direction dans le système électronique. Pour les pilotes les plus rapides du groupe, même le contrôle anti-wheeling au niveau maximal était jugé trop défensif, et ils ont opté pour des réglages de suspension plus fermes.

Au final, il était impressionnant de voir à quel point l'éventail des performances de la moto était large. Les différences de temps par tour entre les pilotes étaient certainement comprises entre 20 et 30 secondes. Il y avait à la fois des pilotes rapides et d'autres plus lents. Pourtant, tous sont descendus de la moto avec un large sourire. La Speed Triple offre simplement du plaisir et satisfait un large public. Cette aptitude est certes due à une bonne mécanique, mais aussi en grande partie à la qualité du logiciel.

Avec un prix de 21 695 euros en Allemagne (hors frais supplémentaires), 25 595 euros en Autriche et 21 995 CHF en Suisse, la Speed Triple 1200 RX se positionne clairement dans le segment premium. Pourtant, compte tenu de l'équipement proposé, la différence de prix par rapport à la RS standard semble tout à fait justifiée.

On n'a pas l'impression de payer juste pour le logo, mais d'obtenir du bon matériel pour son argent : l'échappement Akrapovič haut de gamme, l'amortisseur de direction électronique, les applications en carbone, un magnifique pont de fourche et, enfin, une ergonomie modifiée qui influence durablement le comportement de conduite.

L'Öhlins Objective Based Tuning Interface représente la quintessence de la technologie moderne des suspensions : une évolution numérique qui ne remplace pas mais sublime le ressenti analogique de la conduite moto. Au lieu d'imposer au pilote des réglages de compression et de détente sibyllins, le système utilise des termes intuitifs : plus ou moins de soutien en courbe, un enfoncement plus ou moins marqué lors du freinage, une stabilité ajustée lors de l'accélération. La vraie magie opère en coulisses : l'électronique analyse l'état de conduite 100 fois par seconde et ajuste la caractéristique d'amortissement en temps réel. Ce qui relevait autrefois de l'expertise des pilotes d'usine et des ingénieurs de course pour trouver le réglage parfait est désormais disponible du bout des doigts. La technologie des soupapes à bobine permet une adaptation nettement plus rapide que les systèmes traditionnels à aiguille, ainsi qu'une plage de réglage plus étendue entre confort et fermeté sportive. La Triumph Speed Triple 1200 RX devient ainsi un caméléon, adaptant en une fraction de seconde son caractère aux exigences de la piste et aux désirs du pilote. La suspension de la RX est identique à celle de la RS en termes de matériel et de logiciel, à une exception près : sur la RX, l'amortisseur de direction est également intégré dans l'ensemble électronique.

Lorsque Triumph a présenté la première Speed Triple en 1994, personne ne se doutait qu'une nouvelle catégorie de motos allait naître. Avec ses doubles phares caractéristique, son trois cylindres imposant et – oui – ses guidons clip-on, elle a été la pionnière du segment streetfighter avant même que ce terme ne soit inventé. L'ironie dans l'évolution de la Speed Triple réside dans le fait qu'au fil des années, elle est passée de l'original sportif et radical à un roadster de plus en plus confortable, pour maintenant revenir à ses racines avec la RX. Les demi-guidons incurvés des premiers modèles ont cédé la place, au fil des générations, à des guidons de plus en plus larges et hauts, faisant de la Speed Triple l'emblème du roadster sportif. Avec la RX 2025, la boucle est bouclée de manière remarquable : les clip-ons sont de retour, mais cette fois-ci, ils enveloppent un cadre de type double longeron en aluminium ultra moderne avec une suspension high-tech électronique au lieu du cadre en tubes d'acier d'origine avec des éléments de suspension conventionnels. Ce qui reste inchangé, c'est le caractère indomptable du trois cylindres – désormais avec 183 ch au lieu des 98 ch originaux.

Après des essais intensifs sur l'Autódromo Internacional do Algarve, une image claire émerge : la Speed Triple 1200 RX est de nouveau un vrai naked bike et non un supersport allégé. C'est une évolution haut de gamme du concept Speed Triple, qui cherche délibérément un juste milieu entre ces mondes tout en ajoutant sa propre touche.

Elle s'adresse également aux pilotes qui aiment fondamentalement les supersportives, mais qui n'ont plus la tolérance à l'inconfort au quotidien ou même sur piste pour réellement s'asseoir sur une supersportive. Elle offre un caractère supersport avec une position de conduite relativement détendue – un équilibre qui réussit remarquablement bien.

La Speed Triple 1200 RX n'est pas un concept révolutionnaire, mais le développement cohérent d'une plateforme éprouvée. Elle reprend les atouts de la Speed Triple RS et les peaufine pour les pilotes qui recherchent un peu plus de sportivité sans sacrifier complètement la praticabilité au quotidien.

Après 30 ans d'histoire de la Speed Triple, la boucle est quelque part bouclée : avec les clip-ons, la série revient visuellement à ses racines – mais sur le plan technique, elle établit de nouvelles normes en termes de contrôle, de précision et de focalisation.