L'Europe reste la scène la plus précieuse, déclare le PDG de Piaggio.

Michele Colaninno sur les retards des VE, la montée de l'Inde et l'avenir

Le PDG de Piaggio, Michele Colaninno, aborde les perspectives du marché, les défis de l'électrification, la production Europe vs. Inde, la stratégie MotoGP, les limites de Vespa et l'avenir de Moto Guzzi.

by Poky on 17/12/2025

Dans cette conversation franche à l'EICMA, Poky de 1000PS s'entretient avec Michele Colaninno, PDG du Groupe Piaggio. Colaninno explique pourquoi l'Europe reste le marché le plus précieux pour les deux-roues malgré la volatilité, pourquoi l'adoption des VE sera lente, comment Piaggio équilibre l'héritage italien avec la production mondiale, et comment le programme MotoGP d'Aprilia, l'ADN design de Vespa et l'avenir de Moto Guzzi vont évoluer.

Intervieweur : Poky, 1000PS
Interviewé : Michele Colaninno, PDG du Groupe Piaggio

Poky, 1000PS : En regardant l'année en cours, nous constatons une diminution des ventes de marché pour 2025. Quelles sont les perspectives pour le marché européen des deux-roues en 2026 et 2027 après ce ralentissement ?

Michele Colaninno : Je ne sais pas. Si vous trouvez quelqu'un avec une boule de cristal, il pourra vous le dire. L'Europe est toujours le marché le plus important au monde en termes de valeur, et tout le monde investit dans des produits pour l'Europe. Mais avec la politique, les guerres, l'inflation et les taux de change, il est difficile de faire des prévisions.

Poky : Quel est le deuxième marché le plus important après l'Europe ?

Michele Colaninno : L'Inde. Ils augmentent leur capacité à acheter des produits haut de gamme. Le PIB par habitant croît plus rapidement que dans d'autres pays. Ils veulent se développer.

Poky : En Europe, nous voyons une tendance vers l'électromobilité. Avec le Piaggio 1 et la Vespa Elettrica, vous avez votre propre approche. Vous faites aussi partie du consortium de batteries échangeables. Verrons-nous des batteries fixes, des packs plus grands quel est votre avis ?

Michele Colaninno : Le consortium a été lancé grâce à une idée de Piaggio. Je suis personnellement convaincu que l'échange de batteries est le système le plus intéressant pour les clients de deux-roues : facile, pas besoin de stations de recharge, pas d'attente de six heures. Mais nous dépendons de la technologie des batteries. Si une batterie pouvait garantir 1 000 km avec une seule recharge, tout le monde irait dans cette direction pour les scooters. Pour les motos, c'est différent des batteries plus puissantes, des dimensions limitées. Le marché de l'électrique prendra plus de temps que prévu en Europe. C'est une transition, mais ce n'est pas pour demain matin. Personne n'investit dans l'infrastructure publique. Le marché n'est pas encore là. Il viendra, lentement.

Poky : Qu'est-ce qui ralentit le processus Bruxelles, la concurrence ou le marché ?

Michele Colaninno : La technologie des batteries : autonomie et temps de recharge. Un client peut acheter un moteur à combustion qui fait 50 km avec un litre. Les deux-roues représentent 0,5 % de la pollution totale en Europe. Les deux-roues ne sont pas le problème. Les contraintes sont l'infrastructure et les batteries. Si vous résolvez d'abord le problème des batteries, cela devient intéressant.

Poky : Quand les alternatives électriques atteindront-elles le faible coût de possession des moteurs à combustion ?

Michele Colaninno : Quinze ans. C'est juste un chiffre peut-être dix, peut-être vingt. Quinze est une moyenne.

Poky : Concernant le partage de plateforme : où les composants communs ont-ils du sens, et où protégez-vous l'ADN de la marque ?

Michele Colaninno : Dans les moteurs à combustion, tout est connu. Le "cerveau" du véhicule la gestion de la combustion, la gestion de la batterie c'est ce que je veux posséder et protéger. L'avenir réside davantage dans la robotique et les logiciels que dans l'acier et les moteurs. Nous avons investi dans une entreprise de robotique à Boston. Grâce à eux, nous avons créé nos propres radars, arrière et avant. La sécurité peut être améliorée grâce aux logiciels. Dans l'électrique, tout est logiciel le cerveau reste à la maison.

Poky : Vous construisez une nouvelle usine pour Moto Guzzi. Avec KTM déménageant en Inde, est-il encore possible de produire en Europe face à la hausse des coûts ?

Michele Colaninno : Quelqu'un m'a dit que je suis fou d'investir en Italie pour une nouvelle usine. Le coût de production en Europe est dix fois supérieur à celui de l'Inde. Mais la culture européenne fait partie de notre cœur ; nous ne la sacrifierons pas juste pour de l'argent. L'argent est important, mais les gens aussi. Je ne licencierai pas des gens en Italie pour tout déplacer en Inde ou en Chine. Mandello sera pour les cent prochaines années. Une usine fait partie de notre culture. Nous voulons rester en Europe, tout en comprenant que l'Europe n'est pas seule.

Poky : Avec Aprilia, vous produisez déjà en Inde. Verra-t-on plus de motos provenant de là-bas ?

Michele Colaninno : Le monde de la moto est divisé en deux : les motos haut de gamme peuvent rester en Italie avec des prix plus élevés. Les motos mondiales doivent suivre un positionnement prix compétitif. La concurrence se développe en dehors de l'Europe nous devons suivre. Pour les moyennes cylindrées, l'Inde est l'endroit idéal : non seulement pour le faible coût, mais aussi parce que le marché s'y trouve. La croissance technologique en Inde est désormais plus comparable à celle de l'Europe. La Chine a ralenti mais croît lentement chaque année. L'Inde est l'endroit où la croissance sera plus forte.

Poky : Comment évitez-vous la cannibalisation entre Piaggio et Vespa ?

Michele Colaninno : Des clients différents. Piaggio est pour les trajets quotidiens de A à B. Vespa est synonyme de luxe, de mode, de style de vie. Il y a un certain chevauchement, mais Vespa est unique pas de concurrence. Certains essaient de nous copier, mais ils ne peuvent pas copier la marque, l'histoire, la culture. Nous essayons de prévenir les contrefaçons stupides.

Poky : Aprilia a progressé en MotoGP. La course continuera-t-elle à jouer un rôle stratégique ?

Michele Colaninno : Absolument oui. Liberty Media attirera les jeunes générations avec leur plateforme. La compétition doit être équitable si seuls les plus riches gagnent, ce n'est pas bon. Je ne pousse pas pour un plafond budgétaire. Nous avons démontré que l'on peut obtenir des résultats même en tant que nouveaux venus. Avons-nous augmenté les investissements ? Non. Trop d'argent empêche de penser. Je préfère les idées. Je suis satisfait des nouvelles réglementations pour 2026/27. Nous verrons des produits Aprilia fantastiques. La course aide la valeur de la marque et les ventes ont augmenté. Nous essayons d'utiliser ce que nous pouvons du MotoGP pour les motos de route. Avec les nouvelles règles, moins d'aéro, moins de logiciel, plus de mécanique.

Poky : Moto Guzzi a des clients fidèles mais plus âgés. Craignez-vous que cette génération s'efface et comment attirez-vous les jeunes motards ?

Michele Colaninno : Les jeunes générations seront ravies. Nouvelle usine, nouveau développement, nouveaux ingénieurs tout est aligné. Il pourrait y avoir de la place pour quelque chose en dessous d'une V7. Venez à Mandello en septembre vous serez éblouis. Il ne s'agira pas seulement de production ; ce sera un univers Moto Guzzi avec un nouveau musée, des services, des motos finement réglées. L'emplacement est unique le lac de Côme et les montagnes.

Poky : Il y a une demande dans les pays germanophones pour une Vespa plus grande. Vous avez un moteur 400 cc pourquoi ne pas l'utiliser ?

Michele Colaninno : Avec Vespa, il faut prêter une grande attention au style et au design. Tout doit correspondre aux dimensions et à la carrosserie en acier. Nous y pensons, mais nous ne voulons pas créer un monstre. Une Vespa doit rester une Vespa. Même une plus petite pourrait être intéressante. Ce n'est pas une GT si vous la rendez trop grande, le design en pâtit. Si le design peut s'accorder avec une plus grande cylindrée, pourquoi pas.

Poky : Comment se porte la Vespa Elettrica ?

Michele Colaninno : Pas un début difficile. Les clients sont peu nombreux ; la majorité du marché électrique concerne les livreurs, pas les propriétaires privés. Ils adorent la Vespa électrique nous la vendons à 8 000 €, mais seulement quelques-unes. Nous continuons à la produire pour être prêts quand le marché démarrera. Chaque année, nous investissons dans l'électrique, sans précipiter une nouvelle gamme complète.

Poky : La génération Z est principalement sur les téléphones et les écrans. Comment les attirez-vous vers Vespa ?

Michele Colaninno : En leur offrant un univers, pas seulement un véhicule. Vespa a toujours été plus qu'un simple véhicule. Nous créons un monde de musique, d'art, de sculpture tout ce qui attire la nouvelle génération. Cela pourrait-il être virtuel ? Peut-être.

Poky : Quels changements réglementaires amélioreraient l'adoption des deux-roues ?

Michele Colaninno : Permis, stationnement, accès urbain. Les décideurs doivent comprendre que les deux-roues sont une solution, pas un problème. Plus petits, non polluants, faciles à utiliser. Ils pourraient détruire le marché avec des lois en deux heures, mais je ne pense pas qu'ils soient contre nous. Nous n'avons pas de législation sur le CO₂ car notre part de pollution est de 0,5 %. La mobilité s'élargit les deux-roues vont croître.

Poky : Au-delà de l'électrification : carburants synthétiques, matériaux légers qu'est-ce qui définira la prochaine décennie ?

Michele Colaninno : Personne ne devrait dicter la technologie. Nous devrions être libres de choisir, tant que nous atteignons les objectifs. Aucune technologie unique ne révolutionnera le marché. Ce sera un mélange un peu d'électrique, un peu de carburants synthétiques. Pas d'hydrogène : la compression et le stockage sont trop complexes. La technologie n'est jamais un problème si elle correspond aux besoins des clients.

Poky, 1000PS : Merci beaucoup.

Michele Colaninno : Merci.

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