Essai de la Suzuki Katana 2025 en Voyage

Peu de modèles de motos Suzuki incarnent un design aussi polarisant que les Katana des années 80. Lors de la Balkan Rallye, j'ai eu l'occasion de tester la réédition de ces classiques sur plusieurs étapes, de Budapest à travers la Slovénie jusqu'à la côte Adriatique, pour découvrir si cette nouvelle version a le potentiel de devenir un futur classique.

Mais revenons un peu en arrière : à la fin des années 70, Suzuki proposait des quatre-cylindres à la pointe avec une technologie à quatre soupapes, mais le design de ses modèles japonais semblait sage, presque désuet. En Allemagne, ce déficit a été remarqué. Le chef du marketing de l'époque, Manfred Becker, a convaincu Suzuki Japon d'engager une équipe de designers européens. Le choix s'est porté sur le jeune Target Design Studio de Munich, dirigé par Hans Muth, déjà reconnu pour son travail avec les BMW R90S et R100RS. Le résultat fut un coup de tonnerre.

En 1980, le nouveau design a été présenté pour la première fois à la direction japonaise au Hilton Hotel de Munich, et un an plus tard, les modèles de série GSX750 et GSX1100 Katana ont été dévoilés sur la scène de l'IFMA à Cologne. La ligne fluide, le carénage angulaire, les guidons bas, et la selle profondément intégrée étaient révolutionnaires. Le directeur de Suzuki de l'époque a comparé les lignes de la moto à celles du Concorde. La Katana a divisé le monde de la moto entre amoureux et détracteurs, mais na laissé personne indifférent.

Sous cette robe distinctive, fonctionnait un puissant quatre-cylindres refroidi par air développant 115 ch (limité à 100 ch en Allemagne), un nouveau cadre à double berceau, un système anti-plongée à la fourche et un tableau de bord unique avec un compte-tours orange. Ce tableau de bord fut à l'époque critiqué à juste titre par les testeurs pour sa mauvaise lisibilité, mais sa forme audacieuse et son agencement ont fait école, et ont rapidement été adoptés par divers fabricants d'accessoires. De nombreuses transformations de Streetfighters des années 90 ont utilisé une unité de ce style.

Bien que la Katana ne se soit pas imposée comme un best-seller, ou justement à cause de cela, elle est devenue une icône et une valeur sûre sur le marché de l'occasion. Sa forme a influencé pendant des décennies les custombikes, streetfighters et projets rétro. Aujourd'hui, un exemplaire bien conservé est une rareté recherchée, et les prix ne cessent de monter. En 2018, Suzuki a osé une fois de plus faire revivre cette légende. Avec le moteur moderne K5 et le châssis également issu de la GSX-S 1000, Suzuki tente de ramener le mythe à notre époque. Mais la nouvelle Katana est-elle vraiment un digne successeur ?

Pendant une semaine, la Suzuki Katana actuelle m'a accompagné sur la Balkan Rally, de Budapest à Dubrovnik. Que vaut vraiment la Katana lorsque l'asphalte n'est plus parfaitement lisse et que les journées s'allongent ? La Balkan Rally 2025 était pour nous l'occasion de mettre à l'épreuve cette lame, dans ce qui est probablement le rallye de voitures classiques et de motos le plus authentique d'Europe.

Avec plus de 180 participants, huit jours à travers cinq pays, un nouveau terrain chaque jour : des vastes plaines ondulantes de Hongrie aux cols alpins d'Autriche et de Slovénie, jusqu'aux routes côtières élégantes de la Croatie. Évaluée sur la précision de conduite et le timing plutôt que la vitesse, la rallye n'est pas une course contre la montre, mais un test de précision, de fiabilité et de confort des qualités essentielles pour une machine de voyage d'aujourd'hui.

Le départ a eu lieu à Budapest, où dès l'ouverture, la Suzuki Katana a commencé son aventure de rallye. Dotée d'un paquetage complet SW-Motech comprenant un sac arrière et un sac de réservoir la Katana était prête pour l'aventure. La première étape s'étendait sur 350 kilomètres jusqu'à Maribor, avec une fin en beauté dans un hôtel thermal. Le jour suivant, nous avons traversé les régions les plus sinueuses de Slovénie jusqu'au site UNESCO de Postojna avec sa célèbre grotte géante. Encore une nuit avec le charme du rallye, avant de se diriger vers la côte.

Le jour 4 a apporté des conditions changeantes et beaucoup de vent sur la magnifique route côtière de l'Adriatique croate, mais nous avons tout de même aperçu les îles en route vers Zadar, avant de se détendre au Falkensteiner Resort. La dernière étape officielle nous a conduits à Neum à la frontière entre la Croatie et la Bosnie avec une fête balkanique. La finale s'est déroulée de Mostar à Dubrovnik, où un dîner de gala a clôturé l'événement en beauté.

Le rallye révèle avant tout une chose : même si le design rétro divise les opinions, ce qui se cache sous le carénage est un véritable multitalent adapté au voyage, durable, bien pensé. Et dans la catégorie « Modern Heritage », elle était bien entourée. Inspirée du classique, mais tout sauf dépassée une moto qui sait vraiment comment se mouvoir.

En montant, le LC-Display au style soigné attire immédiatement l'attention. L'animation de démarrage, illustrant une épée dans une lueur orange, s'accorde parfaitement avec le nom. Malheureusement, le panneau n'est plus tout à fait à la hauteur : faible contraste, mauvaise lisibilité en plein soleil et fonctionnalités limitées. Ici, la Katana semble davantage nostalgique que moderne, se plaçant ainsi sur une ligne de continuité avec ses ancêtres. En revanche, le design visuel convainc : les lignes citent habilement les années 80, modernisées avec des proportions harmonieuses et un avant puissant, bien que l'arrière soit un peu trapu.

Le moteur K5, bien connu de la GSX-S1000, est le cœur de la Katana. Avec 152 ch et 106 Nm, ce quatre-cylindres en ligne offre de la puissance dans toutes les situations. Que ce soit en flânant en ville à bas régime - rouler à 40 km/h et moins en 6ème est tout à fait possible - ou en exploitant le moteur lors des passages plus dynamiques. Ce quatre en ligne associe une montée en puissance linéaire à un son agréable, civilisé en bas, et un magnifique hurlement de quatre-cylindres en haut. Sur la plus belle route côtière de Croatie, la Magistrale, le moteur enchante par sa réactivité, son acoustique et sa douceur. Parmi ses atouts, le Quickshifter, qui permet de monter et descendre les rapports sous charge, une caractéristique encore rare.

Trois modes de conduite (A : Sport, B : Standard, C : Pluie) sont disponibles, tous offrant une puissance maximale mais avec des cartographies différentes. Combinés avec le contrôle de traction à cinq niveaux, cela assure une expérience de conduite bien dosée. Au quotidien, j'utilisais principalement le mode B avec le contrôle de traction au niveau 3, et le mode C était idéal sous la pluie. La réponse de l'accélérateur en mode Sport est sensiblement plus directe, sans être agressive.

Avec mes 1,87 m, je me sens bien à l'aise sur la Katana. L'angle des genoux est sportivement ajusté à l'esthétique sans être inconfortable, et la selle offre un confort surprenant. Même après des heures en selle, elle reste agréable et convainc par ses excellentes propriétés déperlantes. La surface sèche en quelques minutes après une averse. Le guidon est étroit mais offre un bon contrôle, étant monté sur silentblocs depuis 2023 pour réduire les vibrations. Cependant, des vibrations se font ressentir, surtout à vitesse constante élevée et à haut régime, comme sur l'autoroute. L'expérience de conduite demeure cependant stable et agréable même sur des sections bosselées.

À l'avant, une fourche entièrement réglable est en place, tandis qu'à l'arrière, un amortisseur ajustable en détente et en précharge est présent. Le réglage de base ferme s'accorde avec l'orientation sportive, tout en offrant suffisamment de marge pour les routes moins entretenues. Le système de freinage impressionne par une forte décélération et un bon point de pression. Lors du rallye, la Katana s'est révélée être une voleuse de virages, surtout en travaillant avec un transfert de poids vers l'intérieur des courbes, ce qui permet de profiter pleinement de longs rayons pris à vive allure. Les pneus d'origine, les Dunlop Road Sport 2, offrent une grande adhérence sur chaussée sèche, mais présentent des limites relativement précoces sur sol mouillé, bien que celles-ci soient bien ressenties. En cas de besoin, le contrôle de traction à l'arrière intervient.

La Katana de série n'est pas un tourer, cela est clair. Toutefois, le petit pare-brise détourne suffisamment les éléments sur autoroute pour maintenir le torse du pilote au sec. Avec les accessoires SW-Motech sac de réservoir et sac arrière nous avons transformé la Katana en un compagnon de rallye adapté, voire même en un véhicule pour caméraman. Le système de bagages permet d'emporter une semaine de matériel de voyage et reste stable même à haute vitesse.

Cependant, l'autonomie est limitée par le réservoir de 12 litres ; avec une consommation moyenne de 6 litres relevée durant le voyage, on atteint les 200 km avant de devoir faire le plein, et l'indicateur de l'autonomie restante n'est pas très précis. Néanmoins, sur un itinéraire jalonné de tant de points de vue et de sites remarquables, les arrêts fréquents pour faire le plein peuvent aussi être vus comme des occasions idéales d'effectuer des pauses photo pour capturer les moments inoubliables le long des côtes croates. Vous pouvez découvrir le résultat dans la galerie d'images.

La nouvelle Suzuki Katana 2025 ne se contente pas de reprendre les vertus esthétiques de sa prestigieuse aînée, elle en transpose également l'attitude sans compromis dans le présent. Pas de demi-mesures, pas de mainstream. À la place : des lignes audacieuses, un moteur émotionnel, un châssis solide, des angles et des arrêtes. Est-ce suffisant pour lui rendre justice au mythe et lui permettre de devenir un futur classique ? Seul le temps le dira. Pour l'instant, elle est encore relativement abordable, mais qui sait pour combien de temps.